Hello everybody,
Oui, je sais bien que j'avais annoncé à maintes et maintes reprises que je reprennais mon blog, et je ne l'ai pas fait, ce qui est très vilain ! Mais voilà, la crise internationale à régler, un brushing à entretenir, Michel Sardine, Léa Deysoux, et on se retrouve dépassé par le flot tumultueux des événements, pris dans la poigne d'acier du destin qui vous emporte à travers le temps et l'espace (comme une vieille cabine téléphonique moche et bleue, c'est ça !).
La routourne du destaing tourne, si vous préférez !
Jusqu'au jour où par hasard, on croise du coin d'un regard un article qui nous interpelle et nous ramène brutalement à la réalité, à tout ce temps écoulé, à toute cette nostalgie, et ce regard vers l'arrière, et les manteaux de duc traînent dans leur fourrure, pendant que des grandeurs on monte les degrés, un bruit d'illusions sèches et de regrets, comme, quand vous montez lentement vers ces portes, votre robe de deuil traîne des feuilles mortes... mais je m'égare un brin là !
Quoique non en fait, c'est exactement cela qu'il nous faut porter aujourd'hui : le deuil d'un des plus grands songwriters qui ait jamais existé. Il y a dix ans exactement s'éteignait Elliott Smith, et puisqu'il est prévu depuis que ce modeste espace blogaire a ouvert ses portes qu'il doive un jour y prendre place, le moment ne saurait être plus approprié. Aujourd'hui donc, nous parlerons rapidement d'Elliott Smith. (Technique de journaliste ça, on écrit quatre fois le sujet en gras. J'en ai appris depuis que je suis arrivé !)
"Miss Misery"
La chanson qui l'a révélé au grand public, avec la BO de Will Hunting, en 1998. Nominé pour l'Oscar de la "meilleure chanson originale".
Qui sera remportée par Céline Dion, de toute évidence bien aidée par ces fichus traîtres de caribous.
Il a déjà 3 albums à son actif, et quelques petites pépites...
Son premier album, "Roman Candle" parait en 1994. Les chansons sont assez simples, avec peu d'arrangements, dans ce style typique d'un folkeux. Beaucoup de guitare acoustique, quelques vagues riffs d'électrique, deux pauvres riffs de batterie mais un jeu déjà de bonne qualité et quelques belles harmonies vocales, et surtout quelques morceaux superbes, comme celui-ci :
"Condor Ave"
Parce qu'il faut faire un choix, et que j'ai décidé de me limiter à un morceau par album (déchirement !)
Album qui se finit étrangement sur un morceau plus expérimental, signe avant coureur d'une volonté d'évolution...
L'année suivant parait un album éponyme, "Elliott Smith" (technique de journaliste toujours, vous pouvez pas comprendre !). Un album dans la lignée du premier, toujours très acoustique, avec cependant quelques choeurs qui viennent s'ajouter (sa petite amie sur "St Ides Heaven" par exemple...). Surtout, la qualité remarquable des compositions ne faiblit pas, et malgré son aspect dépouillé l'album résiste comme son prédécesseur parfaitement aux assauts du temps ! C'est pourtant probablement celui que j'aime le moins, tant la suite sera délectable...
"Southern Belle"
En 1997, parait son premier véritable chef d'oeuvre, "Either/Or". C'est avec cet album que j'ai découvert l'artiste voilà une petite dizaine d'années, et il passe encore très régulièrement à portée de mes oreilles, tant ses qualités de composition, d'arrangements et de richesse musicale en font une oeuvre hors de portée du commun des mortels. Il serait vain de tenter d'en énumérer les qualités, je vais plutôt vous supplier d'aller l'écouter, pour savoir ce qu'un excellent album de folk peut être, et surtout découvrir par vous-même les merveilles que je ne peux poster ici. Faire un choix entre des titres comme "Between the bars", "Ballad of Big Nothing", "Speed Trials", "Pictures of me", "Cupids Trick" ou "Say Yes" est un supplice.
Je me suis finalement rabattu sur "Angeles"...
...qui figure dans la BO de "Girl Next Door", et surtout de "Paranoid Park", encore une fois de Gus Van Sant.
Comme (presque) tous les fichus génies qui errent dans le monde de la musique, il se drogue régulièrement et sombre parfois dans la dépression, malgré le succès d'"Either/Or".
Son album suivant, "XO" poursuit l'idée d'ajouter des instruments. On trouve désormais un piano, en plus du trio basse guitare batterie (et de l'enregistrement multipistes de la voix, qui donne ce son caractéristique), et les morceaux gagnent encore en diversité, proposant même parfois des sons rarement entendus ailleurs, où les guitares cristallines s'égrènent derrière des basses profondes, presque sous marines, ou des notes de piano viennent s'entremêler à un maelstrom sonore, à un mur du son puissant et plein de larsens. Les breaks se font encore plus fréquents, les découpages des titres plus complexes, et la relative violence alterne avec des volutes délicates... Encore une fois, choisir une chanson n'est pas évident. "Sweet Adeline" compte sans aucun doute parmi mes 5 préférées de l'artiste... c'est pourquoi je prends "Waltz #2" !!!
Son album suivant, "Figure 8", sera le dernier à paraître de son vivant, et donc le dernier à avoir son aval complet quand à la réalisation. Il continue sur la lancée des albums précédents, avec une variation entre des morceaux plus doux ("Somebody that I used to know", "Everythnig Reminds me of her", ou le très beatlesien "Everything Means nothing to me" son piano et ses harmonies vocales...), ou franchement rock ("L.A.", "Would'nt mama be proud", "Pretty Mary Kay"...).
Et comme encore une fois je suis étouffé par la qualité globale, et que je suis même incapable de faire ressortir une seule piste je mets juste la première : "Son of Sam"
Mais Smith est une personne torturée, comme cela transparait certainement dans ses chansons. Il devient peu à peu accroc à l'héroïne, alcoolique, sombre dans la paranoïa, se nourrit de plus en plus mal et se produit (évidemment) de moins en moins en concert... Cependant, tout cela ne semble pas tarir sa verve créatrice, et à l'instar d'un Jimi Hendrix il parait même ne jamais devoir épuiser son inspiration, continuant à écrire nombre de chansons, détruisant celles dont il ne s'estime pas assez satisfait (combien de merveilles a-t'il réduites en cendres ?)...
Son entourage parvient cependant à l'astreindre à une cure de désintoxication, et à lui faire échapper au monde de la drogue, même s'il reste fragile. C'est dans ce contexte que suite à une dispute avec sa petite amie, il est retrouvé mort, de deux coups de couteau dans l'abdomen. Les circonstances semblent assez mystérieuses, et si la thèse du suicide est retenue (et paraît cohérente vis-à-vis de son état psychique), un homicide parait possible...
"From a basement on the hill" parait donc à titre postume, en 2004. il est élaboré à partir des nombreuses pistes enregistrées les 4 années précédentes par Elliott Smith. La qualité globale reste excellente, même si l'album n'aurait probablement pas été celui ci si son auteur avait pu le mener à bout (un peu à l'image de "Sketches for My Sweetheart the Drunk" de Jeff Buckley...). Ses proches parlent d'une production plus brute...
"A fond Farewell"
Enfin, en 2007 parait un double album, "New Moon" compilation de morceaux enregistrés entre 1994 et 1997, qu'Elliott Smith n'avait pas considéré comme suffisamment bons pour être intégrés à ses albums de l'époque. C'est à ce genre de détail, en écoutant un album comme celui-ci qu'on reconnait un artiste d'exception. Certes, les compositions sont légèrement inférieures à celles de "Either/Or" ou "Xo" (et encore !). Mais elles sont encore d'une qualité à faire pâlir d'envie quiconque qui ait tenté un jour d'écrire une chanson. "High Times", New Monkey", "Riot Coming", Georgia Georgia", ou la tendre reprise du sublime "Thirteen" de Big Star pour ne citer qu'elles. Mais puisqu'il faut un morceau pour finir tout cela, je me propose plutôt d'achever avec "Angel in the snow" qui me semble mieux adapté à la situation...
Voilà. Je sais que j'ai posté beaucoup (trop) de titres, mais que je considère qu'il s'agit d'un artiste qu'on ne peut traiter avec quelques chansons. Il n'est pas une chanson d'Elliott Smith que je n'aime pas, et en dix ans de temps, jamais je ne m'en suis jamais lassé. Ses albums reviennent régulièrement, tous, tant la densité de son oeuvre est remarquable, tant je ne peux me résoudre à préférer tel album plutôt que tel autre. Tout comme si on m'avait demandé de faire la biographie d'un Neil Young, il m'aurait été impossible de se contenter d'une pauvre compilation. Ce serait passer à côté de trop de merveilles.
De la même manière, on sent une volonté d'évoluer permanente, une qualité instrumentale remarquable, et une voix tendue, particulière, reconnaissable entre mille.
Simplement, un des songwriters les plus doué de tous les temps, les plus sensibles, les plus admirables, quelqu'un dont le nom peut être accolé à Neil Young ou à Bob Dylan, qui a marqué la musique de son époque, et sur lequel le temps semble n'avoir aucune emprise... Quelqu'un de déjà culte avant sa mort, et qui le devint encore plus après.
Si vous avez apprécié, ne serait-ce qu'un peu ces morceaux, allez écouter "Either/Or", "XO" ou "Figure 8". Plongez vous dans ce son si particulier, avec cet étrange traitement sonore sur la voix. Quand vous aurez vraiment accroché, vous aurez des centaines de titres, à écouter et réécouter tout le restant de votre vie...